Politique pourrie et idées pas piquées des vers

Je termine la vie active de ce blogue avec une réponse à un billet d’un collègue, que l’on trouve ici : http://gabrielthibault.wordpress.com/2013/04/02/ping-pong-politique/. Attention à vos yeux : on y parle de politique, et qui dit politique dit désillusion, mensonges, mauvaise foi et cupidité. C’est drôle, parce qu’au même moment où je lisais ceci, la télé montrait les images de Justin Trudeau fraîchement élu, ses enfants dans ses bras et sa femme jouant son rôle comme il se doit, ô recueillement et émotion. Et que dire de son discours! Il représente exactement ce qui fait que politique rime avec pourriture.

Au-delà du discours de l’héritier, il n’y a pas grand-chose de frais et pur en politique. Le regard, le ton de la voix, la parcimonie victorieuse, le décor, le discours, les expressions, la modulation de la voix jusqu’à l’orgasme de la foule, les propos de ladite foule prise séparément au sortir de son orgasme, les idées véhiculées, les drapeaux agités…

Évidemment, on peut se dire que nous sommes chanceux d’avoir des élections libres et des maisons bien solides, avec des cours bien entretenues et des autos bien propres. Mais justement, il me semble que nous sommes assez hauts dans la pyramide de Maslow-version société pour être en mesure de pratiquer l’art politique de façon droite et bien intentionnée, non? Bien sûr, le mensonge et cie. sont corollaires au déploiement de l’humanité, alors bonne chance pour s’en débarrasser… N’empêche, c’est quand même frustrant qu’à cause de la puissance des groupuscules à qui le jeu politique croche profite, ledit jeu ne connaisse pas sa fin.

Mais que peut-on y faire? Selon ce que j’apprends dans un autre de mes cours, la participation au contre-pouvoir croît au même rythme que décroît celle aux élections. En gros, cela veut dire que bon nombre de personnes désillusionnées par les processus et résultats politiques traditionnels choisissent de se joindre à des groupes de pression, que ce soit des OSBL, des groupes communautaires, des associations, des comités, etc.

Est-ce suffisant? À mon avis, c’est extrêmement positif. Toutefois, la participation au contre-pouvoir nécessite autant de volonté et de dévouement que pour le pouvoir « vrai », c’est-à-dire beaucoup trop pour des personnes comme moi qui, pour toutes sortes de  raison, ne désirent pas participer activement à de tels mouvements. Cela nous ramène à l’interrogation de base, soit : pourquoi les personnes qui ont l’énergie et la volonté de « faire bouger les choses » en politique cachent trop souvent qu’autrement de vilaines intentions sous leur volonté de fer? Je ne peux pas croire qu’intérêt pour la vie politique et tendances louches vont de pair. Pas pour tout le monde. Alors, c’est que les moins croches se laissent influencer et tenter par les plus croches, parce qu’ainsi va la vie, parce qu’on a tous des bouches à nourrir ou des pièces à redécorer.  

Que fait-on alors? Puisque les plus croches régissent et contrôlent les actes des tout-aussi-croches, il est difficile d’imaginer des lendemains politiques plus angéliques. Je crois donc, comme mon collègue précédemment cité, que la solution passe par des idées innovatrices, qui, malheureusement, recueillent plus souvent qu’autrement des réactions apeurées, pépères, pessimistes. Voyons toutefois un exemple de solution fort intéressante proposée par mon collègue :

« Par exemple, si 3 partis ont chacun 2 personnes très qualifiées pour le poste de ministre de la Santé, au lieu de n’en prendre qu’un et de lui dire fait de ton mieux au pire dans 3 ans l’autre prendra ta place mettons les ensembles pour qu’ils trouvent des solutions ensembles.»

 

À mon avis, il faudrait que les systèmes électoraux du pays accueillent plus activement et plus favorablement les idées de personnes qui, sans vouloir devenir conseillers municipaux ou députés provinciaux, ont des bonnes idées, sorties d’on ne sait où, mais qui peuvent réellement changer les choses.

Étonnement, le seul milieu où j’ai entendu parler du genre de pratique consultative dont je rêve est le domaine minier, à cause de rencontres avec de fiers représentants de cette industrie qui, de prime abord, me rebute totalement.  Ainsi, l’un de ces représentants, malgré son attitude cavalière franchement désagréable, racontait que la mine qui l’emploie a entre autres décidé de modifier les étapes de sa phase pré-exploitation afin d’y intégrer les recommandations, doléances et idées de génie des citoyens concernés par ses projets. Ils ont accepté de ralentir ce processus et de faire des retours en arrière pour mieux favoriser l’acceptabilité sociale de leurs projets. Cela peut sembler la moindre des choses, mais c’est beaucoup pour un domaine aussi réfractaire au gros bon sens. Il ne me vient pas à l’heure actuelle de souvenir précis des idées et propositions dont je parle, mais je me souviens avoir été franchement épatée  par certaines des suggestions pas piquées des vers. On peut comparer cela à une situation plus près de nous : parfois, quand on a la tête pleine d’un travail sur lequel on peine depuis des jours, on n’est plus les mieux placés pour trouver la sortie du labyrinthe, pour trouver la pièce manquante ou le sens directeur que l’on a perdu.

Je crois donc que ce sens directeur, on l’a bel et bien perdu depuis bien avant le décès de Jack Layton, et je crois que les mieux placés pour sortir de ce labyrinthe plus-que-pourri, c’est nous.

Mes produits culturels favoris sont encore meilleurs sans fil Twitter ni section Commentaires

Alors que j’étais dans l’impossibilité de regarder Tout le monde en parle sur ma télévision, hier, je me suis aventurée sur le site Web de ladite émission afin de voir quelles solutions technologiques s’offraient à moi.

J’y ai découvert qu’on ne pouvait y regarder l’émission en direct – ce qui est compréhensible! -, mais que l’on pouvait y suivre le fil de discussion Twitter en direct. C’est ce que j’ai fait, pour quelques minutes… Et j’en ai conclu que j’étais plus ou moins attirée par ce genre de support en direct. Je ne pourrais définir clairement pourquoi, mais en gros, je trouve que c’est un support à tétage et à chialage.

Effectivement, on peut y lire quelques trucs assez blessants (« Quelqu’un peut dire à Guylaine Tremblay que c’est Pâques, et pas l’Halloween »), quelques rengaines éternelles (« Encore une émission d’autoflattage de la colonie du Plateau» )et quelques trucs gentils, voire gagas. Je ne vois pas la pertinence là-dedans. Évidemment, tout dans la vie n’a pas à répondre à de hauts standards de pertinence; par exemple, quand j’allais, petite, sur le site Web de Ramdam pour y lire des informations sur Sélina et Manolo… On s’entend que j’aurais pu me passer des éclaircissements que l’on y trouvait sur la famille Laporte-L’Espérance-Carpentier. On peut dire la même chose du « Courrier des détenues » du site Web d’Unité 9. Par contre, il me semble que le fil Twitter de TLMEP (et de probablement plusieurs autres émissions) offre pas mal la même chose que la section Commentaires du tout-Internet ou à peu près, soit une belle vitrine pour les complaintes, bitchages et autres vilaines ripostes que l’être humain est capable d’asséner. Un code éthique s’est développé dans la section Commentaires de beaucoup de sites, mais on dirait que sur Twitter, c’est encore à qui sera le plus acerbe, le plus « Mon papa c’est le plus fort ». Je dois préciser que je ne suis pas une utilisatrice de Twitter, alors cet éditorial de ma part se fonde sur la dizaine de fois où j’y ai jeté un coup d’œil, sans parler des topos et bilans sur le sujet à la télé et dans les journaux.

Je considère toutefois en avoir vu assez pour soutenir que regarder une émission de télé avec le fil Twitter qui l’accompagne, c’est prendre le risque d’être quelque peu empoisonné par des propos pas très jolis au sujet d’une émission qu’on n’écoute certainement pas parce qu’on la déteste. Cela ne veut pas dire qu’il faut se fermer les yeux et refuser de voir les mauvais côtés des produits culturels que l’on apprécie, mais simplement qu’à mon avis, le genre de fil Twitter dont je vous parle n’apporte vraiment pas grand-chose d’agréable ou d’utile. J’aime le Web quand il me divertit, m’informe et/ou me surprend. Cette innovation technologique ne m’apporte rien de cela. Mais cette critique ne s’applique pas à Twitter au grand complet! Je vous laisse songer sans moi à ses bons et mauvais côtés, après vous avoir répété que je considère que l’on est assez grands, généralement, pour être en mesure de consommer des produits culturels et médiatiques en choisissant nos sources d’informations à leur sujet (tout en étant naturellement ouverts à la nouveauté et aux opinions divergentes). Et cette information est rarement enrichissante quand elle vient de « HowToLiveMyLife » qui trouve que « #TLMEP Kim Thuy était « vraiment trop cute et trop drôle 😀 ».

Vive la liberté d’expression! (surtout quand celle-ci nous permet de protester contre quelque chose que l’on pourrait justement choisir d’ignorer, tout simplement….)

Attention, contient des traces de féminisme

Il y a quelques semaines, en écrivant la date du jour à mon travail, je me suis aperçu que nous étions le 9 mars, et que la veille, je n’avais aucunement entendu parler de la Journée de la femme. Peut-être avais-je été un peu plus isolée ce jour-là, mais n’empêche, j’avais été assez choquée de n’avoir senti ou remarqué aucune trace de cette « journée spéciale ».

Par la suite, j’ai révisé mon jugement. Je me suis dit, comme plusieurs autres personnes et comme pour plusieurs autres causes, que la femme méritait autant de jours que l’homme, soit toutes les journées que le bon dieu nous offre bon an mal an. Ce que j’ai trouvé surtout dommage, c’est que c’était la première année où je me considérais vraiment féministe, et il fallait que je rate les célébrations! Ces célébrations, justement, prennent à chaque année des airs d’anniversaire d’un(e) ami(e) assez discret, qui a connu ses heures de gloire il y a longtemps et qui semble maintenant dépérir un peu plus à chaque 8e jour du mois de mars.

J’ai donc effectué mon rattrapage et me suis rendue sur quelques sites pertinents, qui m’ont à leur tour menée à des mines d’or féministes, en particulier celle-ci : http://lesfeministes.com/. Ce site est une explosion d’excellentes raisons d’être féministes, et de joyeuses façons de l’être. Je pourrais citer toutes les personnes qui y ont laissé leur griffe, mais j’en choisis une au hasard, tiens, Claudia Larochelle :

Je suis féministe pour ne jamais oublier d’où je viens et pour ne pas lâcher le morceau obtenu au prix de luttes nécessaires. Il m’est arrivé de vivre de la misogynie et du mépris parce que j’étais une femme. C’est là que je deviens le plus dangereuse, et croyez-moi, ça va plus loin qu’un lancer d’assiettes… J’ai des stratégies, beaucoup d’amies et une propension à faire des mauvais coups…

Le féminisme n’est pas statique. Il n’est pas plate. Je trouve, comme Claudia Larochelle, que le féminisme peut – et doit- être festif, jouissif (et ça ne veut pas dire être aguichant!!). Être féministe, c’est faire les choix les plus radicaux dans la liberté la plus soft, parce que c’est possible, parce que c’est tout, parce qu’il n’y a rien d’autre à dire que go.

Et pourtant!

Il y a quelque chose qui ne me rentre vraiment pas dans la tête : pourquoi répète-t-on que le féminisme n’est pas sexy? Dirait-on du racisme qu’il n’est pas blanc? Pourquoi le féminisme devrait-il être sexy?! Depuis quand une cause doit-elle être alléchante, surtout quand cette cause combat précisément ce formatage social et physique? C’est ridicule. Je veux bien croire que nous sommes dans une ère où le tout nu est le nouveau noir, et où le salut ne passe pas sans séduction, mais je trouve insultant que l’on accuse le féminisme d’acoquinage avec les vieilles tantes barbues de nos imaginaires, et qu’on veuille le rendre plus engageant. C’est stupide. Ce n’est pas difficile d’être féministe (au Québec en tout cas…). Comme le dit Anaïs Barbeau-Lavalette sur le même site,

Je ne me pose pas la question «pourquoi je suis féministe»?…comme je ne me pose pas la question «pourquoi je suis une femme», ou «pourquoi j’ai les cheveux marrons». Pour moi il s’agit plus d’un état que d’une prise de position. À partir du moment où j’ai la chance d’avoir le recul nécessaire qu’il faut pour concevoir que je suis une femme libre, je suis féministe. C’est un état. Un état normal, que toutes devraient pouvoir atteindre. Et c’est là où le bât blesse.

Bref, à mon avis, on peut voir dans cette accusation récurrente (« le féminisme n’est pas sexy ») le comble du sexisme : au contraire de tout autre combat social actuel, comme la lutte contre le cancer ou le décrochage ou l’homophobie, on s’attaque à l’image d’une cause, on refuse d’y être associé. Mais pourquoi le féminisme serait-il repoussant? Je sais que je peux me considérer chanceuse d’avoir eu une éducation équilibrée qui me permet de porter un regard relativement informé sur les grandes causes sociales, mais tout de même, je ne pense pas que le féminisme soit inaccessible ou intellectualisant.

Je ne veux pas non plus y voir là un complot masculin, surtout qu’il semble y avoir autant d’hommes que de femmes qui portent la cause. Le problème, à mon avis, c’est qu’on n’en parle pas suffisamment. Moi aussi, avant d’avoir un cours portant sur le sujet, j’étais frileuse à l’idée de me tremper les orteils dans une voie aussi « impopulaire ». Mais avoir des informations sur le féminisme, ça change pas mal de choses. Et je ne parle pas de tomber dans la glorification de combattantes du passé; ça, c’est aussi pertinent, mais peut-être un peu moins pour mon propos. Sauf que ça peut quand même être un bon départ pour aborder, par exemple, les différence entre les points de vue universaliste, différencialiste et postmoderne.

À mon avis, le cours d’Éthique et culture religieuse au secondaire pourrait très bien être remplacé par un cours sur le féminisme, ou quelque chose dans le genre. Après tout, quand on parle de la femme, on parle aussi de l’homme, de politique, d’histoire, etc. Et il n’y a pas une personne dans une classe de secondaire qui n’est pas concerné par l’une ou l’autre des deux premières composantes.

En plus, au secondaire, on s’entend que tout le monde se cherche un peu le nombril; cette chasse à l’identité pourrait bénéficier d’une remise en question du modèle en vogue de la femme-Carly Rae Jepsen et de l’homme-dealer de drogue ou hockeyeur tout puissant.  Ce n’est pas notre faute si, à l’adolescence, nous suivons ces modèles : il n’y en a pas d’autre. Ou du moins, on ne sait pas qu’il en existe d’autres qui peuvent être aussi populaires.

Et je ne parle pas de faire rentrer la jupe aux chevilles dans les écoles; je parle de mentionner collectivement que l’homme et la femme sont égaux, et de le répéter une fois de temps en temps.

Des avantages de cet objet qui nous fait baisser la tête

Les chroniques de Stéphane Laporte, dans La Presse, me font sourire; elles ont toujours la même structure (une phrase = un paragraphe!), et leur auteur aborde presque toujours des sujets très, très près de nous : Céline, le hockey de bottines, l’enfance dans notre froid Québec. Il y a quelques semaines, ce Stéphane Laporte a pondu un texte que j’ai bien aimé (ici : http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/stephane-laporte/201303/02/01-4627165-pas-de-relache-pour-les-textos.php), au sujet des textos : quoi de plus près de nous! Je ne suis certainement pas la seule à avoir une main prolongée par un petit téléphone, ne serait-ce que pour ne pas le perdre (perdre son téléphone, ohlala…).

 

Ce que j’aime de cette chronique, c’est qu’elle dénonce gentiment et sans prétention un fait bien établi, soit notre habitude collective à texter plutôt qu’appeler ou simplement parler en vrai de vrai. Bien sûr qu’on tombe facilement dans les généralisations en évoquant l’omniprésence des texteurs parmi nous, mais c’est pour le bien de la démonstration. Et cette démonstration, elle est plus amusante que pertinente, car qui arrêtera l’avancée fulgurante de cette manie dans nos jours et nos vies?

 

En fait, ce qui freinera le message texte, à mon avis de néophyte, c’est la prochaine invention technologique qui sera encore plus pratique, encore plus accessible et transformatrice. Mais mon cerveau ne s’est pas assez voué aux choses technologiques de la vie, alors plutôt que de penser à cette percée, je pense aux impacts de nos téléphones de poche.

 

Stéphane Laporte a bien raison, c’est une question de contrôle. J’ajouterais de paresse aussi. Un jour, un homme à mon travail me demandait pourquoi j’écrivais sur mon téléphone plutôt que de lui parler… Tout simplement parce que j’aime parler avec les personnes qui sont dans mon téléphone, et qu’une conversation avec une personne comme lui, que je ne connais ni n’apprécie particulièrement, signifie beaucoup plus d’efforts : penser à des sujets comme la météo, les petits et grands débats de société, ma position là-dessus, mon travail et son travail, et cie…

 

Sur nos téléphones, nous choisissons le sujet. Si notre interlocuteur évoque une chose dont nous ne voulons parler, on évite le sujet, et, contrairement à dans la vraie vie, la personne à l’autre bout du « fil » n’insistera probablement pas. Parce que le contrôle, dans ces téléphones, il est immense et fait paradoxalement en sorte que l’on doit se montrer nonchalant : être harcelant, insistant ou empressé est assez négatif pour l’image de celui qui s’y commet! La conversation entre deux proches l’un en face de l’autre a le loisir d’être insistante, car les interlocuteurs choisissent les avenues de leurs paroles; le texto, lui, ne doit pas dépasser une certaine fenêtre d’intensité. Ce n’est pas le lieu des épanchements; c’est laid, des épanchements non partagés ou voulus sur téléphone. C’est immature ou flyé ou dérangé.

 

Stéphane Laporte a encore raison lorsqu’il dit que le contrôle associé aux textos se manifeste aussi dans la liberté de chacun de répondre quand il le veut. Vous avez trois ou quatre messages texte non lus dans votre téléphone : vous choisissez d’ouvrir en premier celui dont l’émetteur ou les quelques mots visibles vous semblent plus intéressants. Mine de rien, les textos trimballent avec eux toute une signification affective, un art (populaire) et une culture, qu’on ne partage pas tous de la même façon! Ma mère ne texte définitivement pas comme ma sœur. Mon père ne sait pas répondre à ses messages texte; il appelle. Un garçon qui répond toujours avec des petits smileys, ça veut dire quelque chose. Une phrase change du tout au tout avec le symbole :o.

 

Le chroniqueur parle aussi du syndrôme de la tête penchée. Ça aussi, c’est fâcheux, mais qu’y peut-on? C’est bien pratique quand on peut ainsi éviter un contact oculaire non souhaité, ou avoir l’air occupé. Qui n’a jamais fait semblant d’être très occupé sur son téléphone dans une situation où il avait avantage à l’être? Avoir la tête penchée, ça a plusieurs significations possibles, et elles sont pas mal toutes à l’avantage de celui ou celle qui baisse la tête; j’ai des amis à qui parler, j’ai une vie sociale, je suis trop occupé(e) pour entamer ou poursuivre une discussion, etc. Évidemment, ces avantages tiennent si l’on ne cherche pas plus loin, car comme je l’ai mentionné précédemment, ce n’est pas un secret qu’on n’est pas toujours très occupés sur nos téléphones…

 

Comme Stéphane Laporte, je dois préciser que je ne suis pas contre les messages texte. Ce serait comme être contre le transport par automobile; il y a beaucoup trop d’avantages pour que je m’en passe. Je ne suis pas embêtée par les messages texte, sauf quand ils viennent s’immiscer dans une conversation que j’ai en temps et lieu réels (ce que je fais parfois moi-même). J’essaie aussi de m’imaginer les choses que je ferais sans téléphone; les moments différents (pas mieux, ni pires) que je vivrais; je ferais plus de pas par jour mais je trouverais moins facilement mon chemin, je serais plus concentrée, mais moins accessible pour mes proches, je chercherais des mots dans mon beau Larousse édition 2012 gris et or plutôt que sur le premier site qui apparait quand je tape « dictionnaire », mais je n’aurais pas de réponse en quelques secondes… Difficile de mesurer précisément les impacts de quelque chose d’aussi subtil et immense à la fois.

 

Finalement, ce qui résume le mieux, je crois, mon rapport aux téléphones et messages texte, c’est cette récente publicité de Rogers, où un groupe d’amis joue à un quiz autour d’une table : tout le monde triche, tout le monde le sait, et la partie est peut-être un peu moins « organique », mais tant qu’on est tous d’accord… Le sommes-nous tous?

Pourquoi l’aura autour d’un artiste ou d’un livre me semble douteuse

Finalement, la lecture d’une entrée du blogue de ma collègue n’a pu faire autrement que de me sortir de ma torpeur revanche-sur-la-fin-de-session. Je me penche donc sur un sujet tentaculaire; la notion d’aura, que ma collègue a appliqué dans un premier temps au livre, et dans un deuxième temps à l’artiste.

Ce texte, que vous pouvez lire ici : http://commasse8.wordpress.com/2013/02/25/de-laura/, est très très bien écrit, et fort efficace dans la démonstration de sa prémisse. Toutefois, il y a certains points sur lesquels je ne suis pas totalement en accord (qui, de toute façon, a déjà lu un texte qu’il approuvait à 100%?!).

 

Pour commencer, je remarque que dans le débat opposant les amants intégristes du livre, catégorie que défend ma collègue, aux fans de technologie sur tablette, ma position n’est pas enflammée. Voici : j’aime le livre papier pour ce qu’il représente d’opposé aux tablettes électroniques, mais il ne me fait pourtant pas liquéfier de passion. Pour avoir lu quelques Sherlock Holmes sur un support électronique, j’affirmerais que l’expérience est sensiblement la même, si le livre est fascinant mais n’est pas celui de notre auteur favori, par exemple. Je ne voudrais pas lire du Nelly Arcan ou du Dany Laferrière sur une tablette, mais pour le reste, je crois que ça passe le test.

 

Sauf que je n’achèterais jamais une tablette au lieu d’un livre, même à prix égal. Pourquoi?

Parce que je n’aime pas tellement la technologie, et parce qu’effectivement, le livre est un objet beau et admirable, qu’il fait bon avoir entre les mains. J’aime aussi beaucoup l’odeur d’un livre, mais pour le reste, je ne serais pas prête à faire une déclaration d’amour à cet objet, ni à coucher ma passion sur papier (ou autre support!) comme ma collègue ou Frédéric Beigbeder, dans  Premier bilan après l’apocalypse. Tout cela ne me laisse pas froide, mais j’ai l’impression qu’on surenchère un peu quand on veut défendre la pertinence et la grandeur du livre. Il ne faudrait pas oublier qu’au-delà de la noblesse de l’art littéraire, le livre demeure un produit de consommation.

Mais c’est quand même un objet de consommation bien spécial! Quand on y pense, le fait de se promener dans les allées d’une bibliothèque, à 7 ans ou à 13 ans, n’est-il pas une sensationnelle façon de modeler son identité d’être humain qui s’ouvre et s’agrandit doucement? On choisit, dans ces rangées, une façon non pas de montrer notre identité (ça va venir dans quelques années…), mais bien une façon d’enrichir notre personne. Choisir trois ou quatre livres, les ramener chez soi et trouver une place, un moment pour s’y attaquer et décider si on aime cela un peu, beaucoup, pas du tout : voilà une façon sublime de grandir. J’ignore totalement si les parents d’aujourd’hui pensent encore au pouvoir des bibliothèques…

Une autre chose à laquelle le texte de ma collègue m’a fait penser, c’est l’apparence du livre (neuf, dans ce cas-ci). Je me demande à quel point les auteurs ont le pouvoir de choisir la couleur de leur création, sa typographie, l’image sur la couverture… Je crois que je serais plus à l’aise si les romanciers et autres auteurs choisissaient eux-mêmes ces détails afin de mieux parler d’eux et de l’oeuvre, plutôt que si c’est la maison d’édition qui choisit tout cela pour mieux vendre. Voilà une question qui me chicote.

Bref, le livre doit être défendu, surtout quand cela est exécuté aussi joliment que sur Com\Masse (désolée, je ne trouve pas la barre droite sur un Mac!), tout en gardant à l’esprit qu’on ne savourerait peut-être pas autant la présence d’un livre nul. Les auteurs y sont pour beaucoup dans cette magie, à mon avis. Un livre de maths pèse lourd dans mon sac, alors qu’un roman de Guillaume Vigneault a la priorité entre mes mains.

 

Voilà pour les livres. Au sujet de l’aura de l’artiste, je trouve que l’exemple de ma collègue avec Stéphane Lafleur est absolument éloquent, mais encore ici, j’ai une réticence.

Une fois, j’étais dans un resto de Montréal avec une amie, quand le chanteur Pierre Lapointe s’y est pointé avec une autre personne. J’aime beaucoup l’œuvre de Pierre Lapointe, mais pas au point où j’aurais pu prédire que mon amie et moi serions aussi excitées par sa présence près de nous (et il est gai, alors cette excitation n’est pas de CETTE nature). Il en va de même pour la plupart des contacts que j’ai eus avec des artistes connus : j’ai l’impression que la groupie en moi prend rapidement le dessus sur l’admiratrice. Je ne demande pas d’autographe, mais je frétille un peu plus qu’à l’ordinaire.

C’est en ce sens que je me demande si cette reconnaissance de l’aura de l’artiste est vraiment saine. Tous ne sont pas groupies comme je peux l’être, mais il n’en reste pas moins que le rapport qu’on entretient collectivement avec l’être humain qu’on admire pour son art me semble trouble. Surtout que certains artistes en sont très mal à l’aise, alors que d’autres en tirent beaucoup d’argent.

 

Alors voilà, je me dis que l’aura provient probablement du regard de celui qui ressent la sensation particulière face au livre ou à l’artiste. Quant à moi, ce que je ressens dans ces cas-là me disqualifie sérieusement, malgré toute ma bonne volonté.

Léger léger!

Il est à noter qu’à force de vivre quelque chose comme des vacances, pendant quelques jours, mon cerveau s’est complètement détourné de tout ce qui a un air de ressemblance avec de la matière scolaire. J’aurais bien voulu écrire quelque chose de très percutant ici, aujourd’hui, mais j’ai malheureusement abdiqué trop tôt.

Je me suis donc tournée vers les produits médiatiques qui ont attiré mon attention ces jours-ci. C’est un des sujets dont ce blogue doit traiter (et c’est au niveau 2 de l’effort intellectuel, sur des périodes de pointe de 1387 durant la lecture de certains textes), alors je me lance.

Les Oscars. Tout le monde en a parlé pour dire qu’il n’y avait pas grand chose à en dire. Alors je n’en parlerai pas. Et j’éviterai aussi de joindre à mon texte LA photo de Jennifer Lawrence.

Roche Papier Ciseaux. Ça me fait toujours bizarre de voir des affiches d’un film québécois un peu partout, sans pour autant en entendre parler dans quelque tribune qui soit. Je me dis qu’il y a anguille sous roche, alors je fouille, et le résultat de mes recherches me fait de la peine pour les artisans du film. Surtout quand Roy Dupuiiiiis s’y trouve. Dommage.

Cas de conscience. Décidemment, je suis attirée par la déception! Ce produit télévisuel animé par André Sauvé me semblait prometteur. J’ai écouté les deux premiers épisodes, en trouvant cela intéressant (mais pas captivant), tout en ayant de la difficulté à supporter la quantité de malaises (volontaires) créés par les mises en situation qu’on y voit. J’ai l’impression que l’équipe derrière tout cela a fait beaucoup de recherches, tout en ne parvenant pas à nous en apprendre beaucoup. C’est le genre d’émission qui semble destiné à expliquer ou à introduire un phénomène de société dans un cours de sciences humaines ou de philo au Cégep. Ça aussi, ça me fait de la peine pour les créateurs en cause.

La série sur l’amour de Patrick Lagacé. Pour changer de registre, voici une série de chroniques, publiées par La Presse, que j’ai trouvées tout à fait réussies, bien ficelées et, évidemment, touchantes à souhait. Ce que j’aime avec Patrick Lagacé, c’est qu’il a le don de celui qui sait se cacher derrière son sujet en toutes circonstances, tout en ayant la petite twist qui explique pourquoi c’est lui qui est dans la Presse et pas vous. Cette série sur l’amour, si vous le n’avez pas lue, était un exercice à assez grand déploiement sur un sempiternel sujet par excellence, l’amour, à l’occasion de la Saint-Valentin. On y trouvait témoignages bouleversants et déclarations bien à propos, explications anthropologiques et épistémologiques, et des notes optimistes entrecoupées de beaucoup de touches un peu fatalistes,  donc réalistes… Un bonheur.

Il y en aurait beaucoup d’autres, parce que comme on le voit à presque tous les mardis matins, les médias de masse, les démérites de la consommation standardisée et les débordements de la société de spectacle sont omniprésents, mais je vais garder le reste pour mes conversations autour d’un café. Ou d’un cocktail. On est en vacances ou on ne l’est pas.

L’écœurement d’entre mes bijoux

Un jour, dans l’appartement de ma mère, un meuble est tombé et s’est brisé.

Ma mère était triste, un peu sous le choc. Elle n’était pas triste parce que ce meuble lui avait coûté super cher ou que c’était sa dernière acquisition tendance, mais bien parce que c’était une de ses créations, vraiment originale en plus : un écritoire en bois clair à la forme courbe, suspendu au mur, avec une tablette intérieure en cuir.

Ma mère a longtemps été ébéniste. Elle fait aussi de l’aquarelle, des livres (le support, pas le texte), des cartes de vœux, des couronnes de fleurs séchées… C’est joli et c’est délicat. Sa table de cuisine est celle qu’avait autrefois sa grand-mère. Une table en bois, avec, imprimé dessus pour toujours, un emballage de sandwiche à la crème glacée Klondike, vestige sourire-en-coin d’une chaude journée d’été où ma sœur avait oublié ladite sandwiche sur la table.  Il en faut plus que ça à ma mère pour se débarrasser  d’un objet. C’est quand même quelque chose!

Je parle de ma mère comme je parlerais d’eau dans le désert… C’est que dans l’univers où je suis, assez loin d’elle, on parle de iPhone, de Blackberry, de consommation avide et inconsciente; on dénonce un peu tout cela, sans plus. Le prof l’a fait un peu. Je ne me rappelle plus de ses mots exacts dans le cours, mais ça ressemblait à « Il y a des façons de ne pas tomber là-dedans; si j’ai besoin seulement de cette télé, je ne vais pas nécessairement acheter plus que cela ». Cela semble aller de soi, mais avouons qu’il est rare d’entendre une telle évidence!

Je déplore de ne pas être exposée à plus de contre-modèles, d’exemples de courage contre la Grosse machine, mais c’est peut-être aussi parce que je ne me tiens pas dans les bons milieux, et qu’en fin de compte, ces milieux-là m’énervent un peu. Je ne suis pas radicale, et je n’ai pas le goût de me faire juger parce que je ne porte pas de laine de lama ou d’alpaga.

Je me considère donc chanceuse d’avoir une mère qui m’a implantée la graine de la contestation (« Non, ce n’est pas obligatoire d’aimer le rose, les Oreo et N’Sync »), et un père qui, à l’autre bout du Parc, cumule les voitures et les nouveaux électroménagers. Ainsi, aucun modèle ne m’apparaît normal, dans l’ordre des choses. Parce qu’il faut avouer que ce dont parlent Baudrillard et Debord, c’est de l’ordre des choses, de zéro à quatre-vingt-dix-neuf ans, dans la majeure partie des cas humains occidentaux.

Si l’on faisait la somme des achats de toute une vie de la moyenne des ours, on en viendrait ainsi à la conclusion que c’est la suite logique des choses; le samedi après-midi, au Wal-Mart, on ne se demande pas pourquoi l’on achète ce petit banc de cuirette pour l’entrée. On sait qu’il nous le faut, et on se demande simplement quel modèle choisir. C’est tout. Ça entre dans l’auto, ça fitte dans l’entrée, avec la peinture, avec le tapis, avec le salon même, avec l’image qu’on veut que les gens aient en entrant chez nous. Si en plus c’est en rabais!…

L’ordre et la suite logique des choses éclatent parfois subitement, quand on laisse monter un peu (pas trop, attention…) de lucidité. Vous est-il déjà arrivé de vous sentir complètement mal à l’aise, écœuré, sale, écrasé, parmi tous vos bijoux/souliers/articles de sport/livres neufs /autres dadas?

Quand cela m’arrive, je consomme un peu moins durant les temps suivants. J’essaie de m’en tenir aux achats essentiels, et je me sens un peu mieux. Sauf quand je commence à me dire que les achats essentiels – des Tylenols, par exemple, ou des  feuilles blanches pour mon imprimante – sont pas mal similaires au petit banc d’entrée en cuirette.

À partir de où est-on radical? À partir de quand se laisse-t-on avoir par les objets? « Pouvoir d’achat » veut-il toujours dire « capacité à se faire avoir »? Acheter moins veut-il vraiment dire vivre plus?

Les journées où je n’ai pas du tout dépensé, depuis que je travaille, sont presque nulles. Et quand cela arrive, c’est que je suis malade ou isolée. Cela est-il triste?

Et en dernier ressort, n’est-ce pas merveilleux d’être serveuse, d’avoir tous ces fins billets à ma disposition à la fin de la soirée, dans mon portefeuille, pour consommation immédiate? N’est-ce pas rigolo que je ne puisse acheter de cadeau de fête à mon père, puisque dès qu’il veut quelque chose, il se l’achète? N’est-ce pas extraordinaire de ne pas faire partie des Canadiens endettés jusqu’à deux fois leur cou? N’est-ce pas précieux d’être gâtée par le sort? Pourquoi me formaliserais-je de l’appauvrissement de la vie vécue, de la déréalisation par le spectacle et la réification, si je me sens vivante et ascendante?

Je crois que c’est la réponse à ces questions qui m’écœure.

Quand l’Accro du shopping rencontre Camille Claudel

Il est fréquemment dit et entendu que dans la vie, tout n’est pas entièrement noir ou blanc. À titre d’exemple, je peux vous affirmer que je valorise beaucoup l’école et l’acquisition de connaissances sérieuses et documentées, mais un des plus beaux moments de ma journée est celui où je choisis mes vêtements, je maudis présentement la non-disponibilité des mascaras Chanel sur le marché rouyn-norandien (à moins que vous sachiez où il s’en vend?!), et je lis actuellement le premier Fifty Shades. Voilà comment je tente de vous amener à mon rapport nuancé à la mode, lequel rapport me mène fréquemment, dans ma tête, au pouvoir des médias sur notre portefeuille, ainsi qu’à la notion d’illusion de choix tel que vu en cours.

Ainsi, comme je l’ai déjà étalé, je ne suis pas une consommatrice d’appareils technologiques ou de bien d’autres catégories d’objets de consommation, MAIS j’ai un incontestable problème psychologique avec les vêtements et les chaussures : c’est un véritable gouffre qui me ramène toujours à l’impression qu’un incendie a ravagé une bonne partie de ceux-ci et qu’il me faut un ravitaillement immédiat. Il m’est arrivé de donner deux robes à une vente de garage, puis de revenir les racheter après avoir croisé leur regard implorant. On m’a déjà presque réprimandée lors d’un voyage de groupe à Glasgow parce que j’avais crié trop fort à la vue d’un Zara. J’ai mes parcours établis de magasinage dans lesquels l’allégresse et l’optimisme me font ouvrir la bouche toute seule. Becky, de L’Accro du shopping, est un personnage principal dans ma tête. MAIS, mais : j’ai mes petites esquisses de principes.

Parmi ceux-ci, un m’est primordial : je n’achète pas sans réfléchir, comme je fais peu de choses sans réfléchir à celles-ci. Je suis consciente d’être à la merci d’une industrie vestimentaire qui n’est pas exactement écologique, éthique ou équitable (en plus, quand des compagnies comme H&M font des vêtements en coton équitable, ce sont les plus laids du magasin…). Je ne cède que rarement aux tendances prônées par les hipsters de la Saint-Laurent, et jamais à celles promulguées par les jeunes preppy ayant évolué du Garage au American Eagle. Je ne tombe pas non plus dans le sexy à tout prix. Bref, mon rapport à la mode n’est pas complètement celui d’une dépendante (oui oui, malgré ce que j’ai écris plus haut!!).

Par contre, il m’arrive assez souvent de voir une pub dans un magazine, ou encore une photo de street style, et de me réveiller trois ou quatre jours plus tard avec une féroce envie de me procurer l’article qui m’a tombé dans l’œil sur ces photos. C’est un processus sournois, presque hors de mon contrôle, et qui me sidère à chaque fois. Comment puis-je tomber autant dans un panneau que je connais et que je tiens à l’oeil? La plupart du temps, ces articles qu’il me faut soudainement ne m’ont même pas attirée tant que ça la première fois. La recette doit donc se situer dans un mélange de répétition, de spectaculaire et de vulnérabilité programmée, comme on l’a vu avec l’école de Francfort…Et je tiens à vous attester que ce phénomène est, à ce jour, l’un des plus grands mystères de ma vie. C’est tellement frustrant!

Ce processus qui m’abasourdis tant a tout à voir avec les médias, tous autant qu’ils sont, et qui en viennent jusqu’à nous faire effet par le biais de pures inconnues dans la rue! Je vous le dis, il ne me faut pas plus qu’une marche dans une rue de Montréal pour entrer dans un débat à la forme « l’ange contre le diablotin » au sujet de tel style de bottes que je trouve de plus en plus jolies… Mais pourquoi m’attirent-elles de plus en plus, au final? À la base, sans biais médiatique, quelle était mon impression face à ces deux longues bottes que trois filles portaient dans le même restaurant ce soir? La réponse à cette question est enfouie sous tant de facteurs qui pèsent dans la balance que cette balance ne peut plus me donner l’heure juste. Mon choix devient alors illusion. J’ai beau me demander pourquoi ces filles sont-elles fières de porter la même chose –  ce qui, en soi, est complètement ridicule -, j’en viendrai moi-même à désirer ce quelque chose. Pourquoi?

Et cette illusion du choix, dont parle d’une belle façon mon collègue de classe Richard Lupien (http://rlupien.wordpress.com/2013/01/23/lillusion-dun-choix/… je ne sais pas encore comment cacher un lien sous un nom…), porte finalement bien son nom. Quand je me trouve bien bonne de ne pas du tout adhérer à la vague iPhone, avant de commencer à désirer soudainement le BlackBerry 10, c’est peut-être parce que mes petites préférences personnelles tentent pour un ultime instant de se dresser devant l’assaut irrésistible des médias. Camille Claudel tendant désespérément le bras vers Rodin qui part avec sa femme : c’est l’image parfaite du trio mes choix-mon portefeuille-les médias. Je vous laisse deviner qui part avec qui.

Si cela existe…!

J’ai un peu de difficulté avec les gadgets électroniques dernier cri.

Si j’ai un téléphone intelligent, c’est que j’ai perdu mon vieux téléphone à trois lettres par touche, et parce que le magasin de région où je m’approvisionne ne vendait plus que des Samsung, HTC et cie. Les iPhone et Blackberry ne m’intéressent pas, pas plus que leur valeur à la bourse. Je quasi-maudis l’omniprésence des ordinateurs et iPad en classe, surtout qu’il  est rare d’y voir autre chose que la page d’accueil de Facebook. Le beau bruit des touches que l’on martèle n’est pas celui de la concentration ou de la création, mais bien celui d’une conversation…

Je peux toutefois comprendre que l’on s’y intéresse tant. Ces technologies sont résolument pratiques, leur progression est fascinante, et il est difficile de se conformer à autre chose que l’air du temps. Je crois ainsi que ma principale réticence vient de ma difficulté à comprendre et à maîtriser ces outils, comme j’ai de la difficulté à opérer une machine Keurig ou un lavabo qui peut couler par trois embouts.

Par contre, j’ai énormément de difficulté à saisir pourquoi, bon dieu, les parents d’aujourd’hui laissent-ils aussi massivement ces objets dans les mains de leurs enfants!

En tant que serveuse, je vois plus souvent qu’autrement des familles qui jouent à Angry Birds ou Draw Something chacun de leur côté en attendant le repas, ou des enfants qui font attendre leurs parents – et moi! – parce qu’ils ne peuvent donner leur commande avant d’avoir abattu tel ennemi sur leur écran.

En tant que voyageuse, j’ai vu beaucoup – et je le jure! –  d’enfants dans leur poussette qui étaient hypnotisés par l’action dans le iPad qu’ils tenaient. Je trouve cela franchement obscène. Je peux comprendre que les parents cherchent quelque chose à donner à leurs enfants pour passer le temps, mais j’ai peine à croire que la situation soit autre dans leur maison.

J’ai l’impression qu’on sacrifie à gros coups de hache tous les acquis de la société sur le développement socioaffectif et intellectuel des enfants, au nom d’objets qu’on achète pour quoi? Parce qu’ils existent? Parce que tous les autres enfants de la classe en ont? Parce qu’ils offrent de belles applications éducatives (c’est vrai que les beaux livres à cet effet sont si rares…)? Parce que la télé est pire? Parce que de toute façon, ce serait le Xbox? Je ne vois aucune explication valable dans cela, et, surtout, plusieurs scientifiques et chercheurs n’en voient pas non plus (http://www.atlantico.fr/decryptage/ipad-danger-pour-developpement-intellectuel-enfants-pierre-delion-381477.html, http://www.rtbf.be/info/medias/detail_les-tablettes-numeriques-pour-enfants-0-9-ans-sont-un-dangereux-piege?id=6585033, et http://www.jolpress.com/article/baby-tablette-outil-ou-danger-pour-enfant-observatoire-mondes-numeriques-michael-stora-794011.html ). De toute façon, il me semble assez évident que cette tendance tombe dans l’excès…

Je ne veux pas tomber dans la nostalgie ou quoi que ce soit du même ton– surtout que je suis jeune pour la nostalgie! -, mais j’ai vraiment l’impression qu’une bonne part des parents de l’époque qui nous concerne sont mous, lâches et irresponsables de ne pas imposer plus de limites face à ces objets. Surtout lorsque l’on sait ce qui peut se passer sur Facebook entre ex-meilleures amies, ou lorsque l’on connaît l’importance pour l’être humain dans la petite enfance d’entrer en contact avec toute la gamme de subtilités et de codes de la vie de tous les jours.

Entre l’enfant qui n’a pas accès à une stimulation sociale, intellectuelle ou affective à cause de la pauvreté de ses parents, ou l’enfant qui se voit offrir un iPad plutôt qu’un jeu, un équipement sportif ou musical, un livre, une occasion de voir ailleurs s’il y est… Je ne sais pas ce qui est le pire. Il me semble qu’être parent, ce n’est pas vouloir un enfant cool, mais un enfant épanoui, non?

Devant ces constats –  qui ne sont probablement pas partagés –  j’ai un espoir. Celui-ci est venu d’une personne dans un de mes cours qui a soumis l’hypothèse, lors d’une discussion de groupe à ce sujet, que la génération de parents dont je vous parle ne commet simplement qu’une grosse erreur, et que nous, « génération Y », devant la stupidité de cette tendance, n’allons pas tomber aussi bas avec notre future progéniture.

J’espère très fort qu’elle n’ait pas tort.

Quelques petits mots, comme tourisme (et pourquoi j’aime mieux chercher la Fontaine de Trevi que la trouver).

Au dernier cours, nous nous sommes brillamment égarés.

Pas le choix : lorsque l’on aborde les questions de  la reproductibilité de l’œuvre d’art, de l’aura et de la démocratisation de celle-ci, ou de l’authenticité des différentes formes artistiques, on s’éparpille nécessairement dans des directions fort pertinentes et centrales pour un tel cours.

Au cours de ces discussions, plusieurs mots me sont venus en tête à répétition. Parmi ceux-ci : élitisme,  tourisme et valeur par le temps.

 

Élitisme parce que lorsque l’on se pose la question de la valeur d’un poster de la Joconde dans un salon de Laval, par exemple, ou de la valeur d’œuvres hyper-célèbres vis-à-vis d’autres plus obscures, on se pose nécessairement en juge, et cette position de juge ne se fait pas toujours avec des intentions franchement nobles, ou, du moins, franches. En fait, la question de l’élitisme m’a probablement autant turlupinée parce que j’ai de la difficulté avec les personnes qui valorisent une œuvre simplement parce que personne d’autre ne la connaît (donnez-moi un h, donnez-moi un i, donnez-moi un…!). Mais j’ai aussi de la difficulté avec ceux et celles qui prétendent connaître des œuvres simplement pour épater la galerie… Au final, l’élitisme n’est pas nécessairement une question centrale dans le domaine de l’art, mais peut-être plus simplement une idée que je me fais face aux manifestions de la niaiserie humaine!

Cela me fait aussi fortement penser au tourisme : lorsqu’en voyage on fait la tournée des Louvres, Stonehenge, Panthéon et autres pyramides Maya de ce monde, on le fait parce que ce sont des classiques culturels dont on entend parler par les guides de voyage, par les autres touristes, par les livres d’école, par un peu tout le monde finalement. Ce sont des œuvres dont la valeur est reconnue depuis souvent bien plus que des siècles.

 

Mais honnêtement, une fois devant ces trésors de la mémoire collective, à quoi pense-t-on? S’arrête-t-on vraiment? Analyse-t-on vraiment leur valeur artistique, historique, culturelle? J’ai bien l’impression qu’une œuvre, aussi antique et authentique soit-elle, peut perdre sa valeur de recueillement autant que sa reproduction sous forme de tasse de café.

Parce qu’au fond, dans la plupart des cas, j’ai bien l’impression qu’on visite ces lieux et ces œuvres pour la même raison qu’on se pavane avec la tasse de café à leur image : veni, vidi, veci, version voyageur.

(En plus, il est à mon avis beaucoup plus amusant et marquant de chercher la Fontaine de Trevi que de l’admirer derrière les flashs et les poses de 733 touristes qui rotent leur pizza napolitaine).

C’est, à mon avis, aussi simple –  et superficiel – que cela. Mais en même temps, a-t-on vraiment besoin de détenir une maîtrise en histoire de l’art pour apprécier ces toiles et ces sculptures? L’art n’est-il pas au meilleur de sa forme lorsqu’il fait voyager les peuples et les familles? On revient à la question de l’élitisme, du but et de la fonction de l’art. D’autant plus que le tourisme, souvent fondé sur les monuments historiques et culturels d’un lieu donné, est un moteur économique important et parfois vital (quoique parfois aussi discutable) un peu partout sur la planète.

De toute façon, ces questions que je soulève sont moins centrales que celles de l’authenticité, de l’aura et de la démocratisation de l’art, qui nous font aussi fouiller plus loin. À l’heure où les limites du tolérable dans ce qui peut être montré et vu sont plus que jamais malléables, comme nous en avons discuté (« La nouvelle réception [de l’art] repose sur le choc et l’exposabilité »), les artistes et leurs œuvres doivent frapper fort pour atteindre le regard public. Cela en vient-il à transformer la fonction de l’art? Ce qui me semble certain, c’est que les œuvres de qualité ne sont pas nécessairement les plus prisées, surtout aux niveaux télévisuel, cinématographique et littéraire. On répète souvent ces temps-ci que la génération à laquelle j’appartiens a un déficit d’attention généralisé et quasi-permanent (à ce sujet, un texte éloquent se trouve ici : http://www.lapresse.ca/arts/chantal-guy/201301/14/01-4611137-le-lecteur-assiege.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_hotTopics_sujets-a-la-une_1664122_accueil_POS3)…  Cela aussi a nécessairement un impact sur la réceptivité de l’art.

Finalement, que fait-on devant toutes ces interrogations tortueuses et perplexifiantes? Personnellement, j’ai une opinion – peut-être bancale et naïve, mais j’ai encore le temps d’apprendre! Voilà : à l’ère de la prolifération des comptes « Roger Bontemps Photographe » sur Facebook, j’ai l’impression qu’on peut en quelque sorte mesurer la valeur d’une œuvre au temps que passe l’artiste sur celle-ci. Parce qu’au-delà de la volonté et de la prétention, il me semble qu’au final, c’est le temps arraché du quotidien et accordé à quelque chose comme une passion qui distingue les hobbys entre eux, et qui montre à quel point la lueur de l’art en est la source, pour autant qu’on puisse dire – après toutes ces interrogations sur l’art!!